Expo en cours

Liên Hoàng Xuân & Kévin-Ademola Sangosanya « Last peep show before summer »

Le titre de l’exposition de Liên Hoàng Xuân et Kévin-Ademola Sangosanya, comme une enseigne de cabaret, titille le tout-venant pour faire profiter à qui osera rentrer d’une « dernière mise à nu avant l’été ». Entre le burlesque et le tragique, l’érotisme que l’on trouvera entre ces murs s’inscrit pourtant à contre-courant de tout ce que l’on aurait bien voulu imaginer.

C’est à l’effeuillage de leur cœur, des tréfonds de leur âme et des remous de leur être, de leurs espoirs et leurs secrets, de leurs angoisses et leurs regrets, que les deux artistes s’appliquent en ces murs. Matière de leurs mots et de leurs images, c’est dans leur entremêlement que le tout se dévoile. Dans les haïkus et les mots dorés de Liên Hoàng Xuân ; dans les lettres vertes fluo et gothiques de Kévin-Ademola Sangosanya. Dans les anges aux larges ailes de la première, ses villes impossibles, ses paysages intraçables ; dans les mains fourchues des monstres du second, sous les frondaisons de ses arbres sacrés, dans ses damiers irréguliers et infinis.

Les mots et les images flottent, commentées les unes par les autres, dissociées l’une par l’autre, assemblées, détournées. Elles cherchent un ordre à suivre en balbutiant. Elles créent un entrebâillement dans lequel entrapercevoir la réalité des deux artistes, ce sur quoi se fonde leur pratique, ce dans quoi elle et lui trouvent du sens, du plaisir et du déplaisir.

C’est précisément dans cet interstice que se niche l’érotisme du « peep show » que les deux ont composé pour nos yeux voyeuristes. Dans la discrète ouverture ménagée entre ce que lui et elle acceptent de livrer au monde et ce qu’elle et lui tiennent secret. Dans cette ligne de peau discrète entre le pantalon et le tee-shirt, décrite par Roland Barthes dans Le Plaisir du Texte, comme l’érotisme ultime, qui laisse furtivement apparaître un bout de corps dont il reste à imaginer le reste.

Quel est le reste de ce que les deux artistes nous livrent, justement ? Que disent d’elle et de lui leurs inscriptions frénétiques et leurs figures mystérieuses ? Leurs all-over de journaux intimes et carnets de dessins patiemment marouflés sur les murs de la galerie ?

Il n’y a apparemment pas grand-chose en commun dans la manière de Liên Hoàng Xuân et Kévin-Ademola Sangosanya, si ce n’est une urgence de partager ce qui les remue de l’intérieur, d’interroger les normes, sociales et politiques, qui entendent les commander de l’extérieur, d’invoquer l’intime comme source de résilience et de trouver un·e compagnon·e pour affronter les épreuves. Pour empêcher le vertige, le désespoir ou la déprime, pour retrouver un sens, une direction, et s’y tenir, les deux artistes se parent d’anges et de démons bienveillants, de monstres protecteurs et d’animaux totems, de feuilles sacrées prélevées dans une forêt lointaine. On appelle parfois ces figures « apotropaïques ». Elles éloignent le mal et accompagnent l’être qui veut bien les recevoir, qui prend le risque de les invoquer. Ce sont avec elles que les deux artistes passeront l’été après leur dernière mise à nu.

Horya Makhlouf